Contrefaçon par imitation de marque ou d’un logo, rappel d’un fondement jurisprudentiel de la CJUE

La contrefaçon de marque par imitation repose sur une jurisprudence constante et désormais de principe soulevée par la Cour de Justice de l’Union Européenne, selon lequel, il doit être constaté un risque de confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne. Ce risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et notamment il doit être recherché si les ressemblances existantes entre deux marques (ou deux signes distinctifs) ne créent pas un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne n’ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux.
Ce principe dit de « méthode globale » a été énoncé par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) dans une série d’arrêt que nous allons aborder.
Ces décisions posent le principe selon lequel désormais les juges doivent apprécier la contrefaçon en analysant l’ensemble des caractéristiques pouvant conduire le consommateur d’attention moyenne à confondre deux marques similaires.
Le premier arrêt en date est l’affaire qui opposait la société Sabel contre Puma[1] dans lequel la CJUE énonce pour la première fois que le consommateur ne se livre pas à un examen détaillé des différences entre deux marques et que par conséquent, les juges auraient dus s’attarder sur une analyse globale et notamment sur la perception du consommateur sur les deux marques et sur le type de produit ou service en cause.
Selon la CJUE, le critère de  risque de confusion qui comprend le risque d’association avec la marque antérieure, doit être interprété en ce sens que la simple association entre deux marques que pourrait faire le public par le biais de la concordance de leur contenu sémantique ne suffit pas en elle-même pour conclure à l’existence d’un risque de confusion. La notion de risque d’association n’est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à en préciser l’étendue.
En effet, comme le précise la Cour,  le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.
Il est clair que pour la Cour, la perception qu’a le consommateur d’attention moyen pour une marque quel que soit le produit ou le service, va jouer un rôle déterminant dans cette appréciation globale du risque de confusion.  En effet, le consommateur d’attention moyenne, dans le choix qu’il fait sur un produit ou un service, ne se livre jamais à un examen sur les différents détails dudit produit ou service.
La Cour confirme ce principe dans un second arrêt le 29 septembre 1998 qui opposait Canon Kabushiki Kaisha c/ Metro-Goldwyn-Mayer[2].
Le litige opposait la société japonaise Canon Kabushiki Kaisha à la société américaine Metro-Goldwyn-Mayer Inc., suite au dépôt par cette dernière en 1986, en Allemagne, d’une demande d’enregistrement de la marque verbale « CANNON » pour désigner les produits et services suivants :  films enregistrés sur cassettes vidéo (cassettes vidéo) production, location et projection de films pour les cinémas et les organismes de télévision.
La société Canon avait fait opposition à cette demande, au motif qu’elle était en conflit avec sa marque verbale antérieure « Canon », enregistrée en Allemagne, notamment, pour les produits suivants :  appareils photo, caméras et projecteurs ; appareils de prise de vues et d’enregistrement télévisés, appareils de retransmission télévisée, appareils de réception et de reproduction télévisées, y compris les appareils d’enregistrement et de lecture à bande ou à disque.
La société Canon fait appel de la décision du Bundespatentgericht qui rejette sa demande au motif qu’il n’y a aucune similitude entre les produits et services des deux marques pouvant amener le consommateur d’attention moyenne à les confondre, ayant des lieux de production différents.
La Cour retient le même argument soulevé dans l’arrêt SABEL, à savoir qu’il faut apprécier de manière globale le risque de confusion.
Ainsi, dans le cas d’espèce, la Cour retient d’une part, que le caractère distinctif de la marque antérieure et en particulier sa renommée doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les produits ou les services désignés par les deux marques est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion pour le consommateur, et d’autre part, il importe peu que les produits ou services soient similaires, il faut rechercher si le consommateur pensent que ces derniers proviennent de la même entreprise, dès lors il y a un risque de confusion.
Toujours sur le principe de l’appréciation globale, la Cour dans l’arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co. GmbH c/ Klijsen Handel BV, du 22 juin 1999[3], énonce que «  plus la similitude des produits ou des services couverts est grande et plus le caractère distinctif de la marque antérieure est fort, plus le risque de confusion est élevé ».
L’affaire opposait  la société Lloyd qui fabriquait et distribuait des chaussures depuis 1927 sous la marque Lloyd, déposée en Allemagne et la société Klijsen qui fabriquait et commercialisait également des chaussures en Allemagne depuis 1991 sous la marque Loint’s enregistré au Benelux en 1995 et a demandé d’étendre la protection à l’Allemagne.
La société Lloyd, entre autre argument, soulève la similitude auditive entre les deux marques et s’oppose à la demande d’enregistrement de la marque Loint’s en Allemagne.
La Cour retiendra qu’il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques mais doit se fier à l’image non parfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou services en cause.
Pour déterminer le caractère distinctif d’une marque et évaluer si elle a un caractère distinctif élevé, il y a lieu d’apprécier globalement l’aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou services de ceux d’autres entreprises.
La position de la Cour reste la même, il faut apprécier les similitudes dans son ensemble,  elle conclut que la seule similitude auditive entre deux marques permet de créer un risque de confusion dans l’esprit du consommateur.
Enfin, le principe est confirmé plus récemment par la CJUE le 20 mars 2003 dans un arrêt Sadas Verbaudet c/ LTJ Diffusion[4]
Dans cet arrêt, la Cour énonce qu’un signe est identique à la marque lorsqu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant la marque ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur d’attention moyenne. Ainsi, ils peuvent être considérés comme étant similaires tout au plus.
Ce principe d’appréciation global de risque de confusion dans l’esprit du public met fin à l’appréciation sectorisée que font les juges nationaux, à savoir comparer les similitudes entre, d’une part, les produits ou services et d’autre part, les secteurs d’activité, alors que le principe d’ailleurs soulevé dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du  4 janvier 1982, est  « que la contrefaçon s’apprécie par rapport aux ressemblances d’ensemble et non aux différences de détails ».
Pour rapprocher ces décisions européennes à la jurisprudence française, la Cour de Cassation est venue rappeler ce principe dans un arrêt 25 mars 2014[5], et retient que « le juge doit prendre en considération les ressemblances entre les marques en cause, et non se fonder sur leurs seules différences », elle confirme par la même occasion sa position de 1982, cité plus haut.
En l’espèce, la société Lézard graphique, qui exerce une activité d’imprimerie sous le nom commercial et l’enseigne Lézard graphique, est titulaire de la marque verbale « lézard graphique » et de la marque semi-figurative « lézard » accompagnée de la représentation d’un lézard de couleur verte, déposées le 12 avril 1999.
Cette société a fait valoir que la société Studio Lézard graphique, titulaire de la marque semi-figurative « studio lézard » accompagnée d’un dessin représentant un lézard stylisé, déposée le 23 septembre 2009 désignant les mêmes produits et services que la première, et également titulaires des noms de domaine « lézard-graphique.com » et « studio-lézard.com », portait atteinte à ses marques et l’a assigné en contrefaçon et usage frauduleux des marques « lézard » et « lézard graphique », et en nullité de la marque « studio lézard ».
La Cour d’appel de Poitiers s’était limitée dans son analyse à soulever qu’effectivement la marque Studio Lézard graphique avait été déposé postérieurement et désignait   les mêmes produits et services que la marque Lézard graphique, mais qu’elles n’étaient pas similaires en raison du fait qu’elles avaient un nom différent puisque le terme « studio » empêchant toute confusion ; que par ailleurs, les couleurs et la représentation du lézard étant différentes, il n’y avait aucune confusion possible.
La Cour d’appel soulève également que deux clients ont pu confondre les deux marques mais que cela ne constituait en rien un risque de confusion dans l’esprit de tous les consommateurs. En l’espèce, la Cour d’appel se basait sur le faible nombre de client ayant fait la confusion entre les deux marques.
La Cour de Cassation casse la décision de la Cour d’appel de Poitiers et rappelle tout simplement le principe de la CJUE, principe d’appréciation globale du risque de confusion dans l’esprit du public.
On retiendra qu’il ne suffit pas d’énumérer le peu de ressemblance entre les marques, mais qu’il convient de prendre en considération toutes les ressemblances qui pourraient créer une confusion dans l’esprit du consommateur d’attention moyenne.
Par Koumba Koné,
Juriste propriété intellectuelle
KONE & Associés en partenariat avec Maître Enis DACI, étude l’EXPRO, Genève


 

 

 

 

[1] Affaire C-251/95, du 11 novembre 1997 SABEL BV c/Puma AG, Rudolf Dassler Sport

[2]Affaire C-39/97
[3] Affaire C-342/97
[4] C-291/00
[5]Cour de Cassation ch.Com, 13-13690

 

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