LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE

 

La propriété industrielle comprend le droit des dessins et modèles, le droit des marques et le droit des brevets. Ils font l’objet d’un titre de propriété industrielle délivré par un office de propriété industrielle. Pour la France il s’agira de l’INPI.

 

Le droit des marques

Le droit des marques vise à protéger tout signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services du déposant de ceux de ses concurrents.

Le signe déposé confère au déposant un titre de propriété industrielle, à savoir une marque.

La marque permet ainsi au consommateur de connaître l’origine du produit qu’il achète. La marque a également une fonction publicitaire en véhiculant l’image de l’entreprise et de se démarquer des autres entreprises vendant des produits ou des services similaires.

Mais la marque confère principalement un monopole à son titulaire, lui permettant d’interdire tout usage de celle-ci.

Le code de la propriété intellectuelle distingue trois types de marque :

  • La marque de fabrique (apposée sur un produit par le fabriquant) ;
  • La marque de commerce (utilisée par le distributeur d’un produit commercialisé) ;
  • La marque de service (utilisée pour des services)
  1. Le droit des marques : Les conditions de validité d’une marque

1.1   Un signe distinctif

La marque doit distinguer les produits et services d’une entreprise face aux produits ou services identiques ou similaires de ceux de ses concurrents. Le caractère distinctif est analysé au regard des produits et services pour lesquels la marque est déposée.

Ex. : le dépôt de la marque du terme « je suis charlie » a fait l’objet d’un rejet par l’INPI au motif que « ce slogan ne peut pas être capté par un acteur économique du fait de sa large utilisation par la collectivité ».

Il ne permet pas de distinguer un produit d’un autre. Il ne peut donc pas être protégé au titre du droit des marques.

1.2   Un signe disponible

Contrairement au droit d’auteur, le droit des marques ne requiert aucun critère d’originalité ou de nouveauté concernant la délivrance de la marque.

Cependant, le signe doit être libre de droit. Il ne doit pas avoir fait l’objet d’un dépôt antérieur :

  • d’une marque française, communautaire ou internationale désignant la France ou d’une marque notoire désignant des produits et service similaires ;
  • d’un nom commercial ou une enseigne connu en France et qu’il y ait un risque de confusion dans l’esprit du public ;
  • d’une appellation d’origine protégée française ou étrangère ;
  • il ne doit pas porter atteinte à un droit d’auteur, à un droit portant sur des dessins et modèles, à un nom de domaine, à un droit de la personnalité (nom patronymique) ou au droit des collectivités territoriales, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.

1.3   Un signe contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs

Le signe doit être licite et ne peut pas constituer un slogan raciste ou obscène.

La marque peut être licite même si elle est apposée sur un produit contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. La marque est indépendante du produit et du service qu’elle désigne.

1.4   Un signe déceptif

Un signe déceptif a pour but d’induire le public en erreur concernant une des qualités du produit ou du service vendu. Le signe est « de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ». Cette tromperie peut porter sur la composition ou les propriétés conférées au produit.

1.5 Les signes interdits

Le droit des marques interdit le dépôt d’une marque de certains signes ou  termes  tels  que  :  CROIX  ROUGE  ;  OLYMPIADES  et  les  emblèmes olympiques ; les armoiries, drapeaux et autres emblèmes d’états ; les signes contenant une indication géographique identifiant des vins etc..

 

  1. Le droit des marques : Le choix de la marque

Il peut s’agir :

  • D’une marque verbale :
  • nom patronymique du déposant : à condition qu’il soit libre. S’il est déjà déposé à titre de marque dans un secteur identique ou similaire, le déposant ne  pourra  pas  faire  de  dépôt  mais  pourra  uniquement  utiliser  son  nom  pour  la  dénomination  sociale  de  l’entreprise  ou  en  nom  ou  enseigne commerciale. Sans aucune volonté de créer une confusion dans l’esprit du public entre son enseigne et la première marque déposée.
  • nom patronymique d’un tiers : le principe de la liberté de choix de sa marque permet l’utilisation du nom d’un tiers à titre de marque. Cependant, l’article L711-4g le refuse en cas d’atteinte à l’image ou au nom de la personne (le droit de la personnalité). Il ne faut pas créer une confusion entre les produits de la marque et le nom d’une personne célèbre.
  • nom géographique : à  condition qu’il désigne l’emplacement d’une entreprise sans connotation de qualité ; ou lorsqu’il s’agit d’une pure fantaisie ou de prestige et que le consommateur ne fait aucun lien entre le nom et le lieu de fabrication du produit (ex. : chocolat COTE D’OR). En revanche, il est interdit d’utiliser  à  titre de  marque  une  appellation  d’origine,  le nom d’un cru  appartenant   à  un  tiers, ou un signe  portant  atteinte  au  nom,  à l’image  ou     à     la  renommée  d’une  collectivité    Il  est  également  interdit  de  déposer  un  nom  géographique  prestigieux  (PARIS  ou CHAMPAGNE).

Les lettres, chiffres et sigles peuvent être déposés à titre de marque.

  • D’une marque figurative : art. L711-1 du CPI permet le dépôt à   titre de marque de tous signes figuratifs (dessins, étiquettes, reliefs, hologramme etc…)

Il  peut  s’agir  d’une  forme  abstraite  telle  que  les  chevrons  d’une marque  de voiture  ;  le  dessin  d’un  crocodile pour d’une grande marque de vêtement.

Pour les portraits ou la représentation d’armoiries ou de  bâtiments, il faut obtenir au préalable l’autorisation du titulaire des droits.

  • D’une marque  tridimensionnelle  :  repose  sur  la  forme  de  la    Il a été  accepté  à  titre  de  marque  la  forme  d’une  bouteille  de boissons ou  le personnage  de  bibendum.

Ces signes doivent  être  distinctives. Sera  donc  rejetées  les  formes  banales  de  produits,  les  formes  purement fonctionnelles et imposées par la nature même du produit.

  • D’une couleur : une couleur peut faire l’objet d’une marque, à condition de choisir une nuance spéciale et de la désigner au moment du dépôt par son code d’identification. Ce n’est pas la couleur elle-même qui est protégée mais la combinaison de couleur.  Ex.: la couleur rouge pantone n°18 1663TP pour une semelle de chaussure (*CJUE, 12 juin 2018 Affaire Louboutin c/ Van Haren Schoenen – C163/16) ou la disposition d’une couleur de façon particulière sur la bouteille de champagne de marque MUMM.

* Dans cette affaire, Christian LOUBOUTIN poursuivait pour contrefaçon la société Van Haren pour avoir commercialisé des chaussures à talons haut avec une semelle rouge.

Pour sa défense, la société arguait que la marque n’était qu’une surface de couleur rouge.

Puisque la marque litigieuse consiste en une couleur apposée sur la semelle d’une chaussure, qui coïncide avec un élément du produit, la question se pose de savoir si l’exception prévue à l’article 3, paragraphe 1, sous e), iii), de la directive 2008/95 pouvait s’appliquer à cette marque.

Saisit de l’affaire, le tribunal de La Haye pose une question préjudicielle à la CJCE, afin de savoir si la notion de « forme », au sens de cette disposition, est limitée aux seules caractéristiques tridimensionnelles d’un produit, comme le contour, les dimensions et le volume de celui-ci, ou si une telle notion concerne d’autres caractéristiques, non tridimensionnelles, d’un produit.

La Cour retient « qu’un signe constituant en une couleur appliquée sur la semelle d’une chaussure à talon haut, n’est pas constitué exclusivement par la forme au sens de l’article 3, paragraphe 1, e.iii de la directive 2008/95 ».

  • D’une marque sonore : les  signes  sonores  tels que les  sons  ou les phrases  musicales  peuvent  faire l’objet d’un dépôt  à condition d’être représentés graphiquement.

C’est ce que retient la CJCE dans une décision en date du 27 nov. 2003 (Affaire Shield Mark – C-283-01) dans laquelle elle précise comment doit être interprété l’article 2 de la première directive 89/104/CEE et énonce qu’un signe qui n’est pas en lui-même susceptible d’être perçu visuellement, peut constituer une marque à condition qu’il puisse faire l’objet « d’une représentation graphique, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».

Ainsi, un signe sonore, « s’il est représenté au moyen d’une portée divisée en mesures et sur laquelle figurent, notamment, une clé, des notes de musique et des silences dont la forme indique la valeur relative et, le cas échéant, des altérations » peut être considéré comme signe pouvant faire l’objet au titre du droit des marques.

  • D’une marque tactile ou olfactive : la Cour de justice de la communauté européenne (CJCE, le 12 décembre 2002, C-273/00 – Ralf Sieckmann) décide que « peut constituer une marque, un signe qui n’est pas en lui-même susceptible d’être reçu visuellement, à condition qu’il puisse faire l’objet d’une représentation graphique, en particulier au moyen de figures, de lignes ou de caractères, qui soit claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective ».

L’OHMI  et  les  offices  nationaux  émettent  des  réserves  sur  le  dépôt  de  ce  type  de  marque  car  ils  estiment  qu’il  est  difficile  pour  des consommateurs de distinguer différentes nuances d’odeurs, de goûts ou de toucher.

 

  1. Le droit des marques : Le dépôt

Pour faire l’objet d’une protection au titre du droit des marques, la marque doit faire l’objet d’un dépôt auprès de l’INPI, pour la France.

Une ou plusieurs personnes physiques ou morales peuvent être déposants ou co-déposants d’une marque et être ainsi propriétaire du titre de propriété industrielle.

Le déposant devra désigner les produits et/ou services pour lesquels la marque sera exploitée, parmi la classification de Nice qui compte 34 classes de produits et 8 classes de services.

Il devra également être désigné des pays ou une zone géographique dans lesquels la marque sera protégée.

Le déposant devra s’assurer que la marque soit disponible et licite en réalisant des recherches d’antériorité.

Le dépôt fera l’objet d’une publication 6 semaines après la date de dépôt afin d’être opposable aux tiers et pourra par conséquent faire l’objet d’éventuelle demande d’annulation.

L’enregistrement de la marque est fait à l’issu de la période de contrôle de l’INPI et doit être renouvelée tous les 10 ans.

La maque doit obligatoirement être exploitée pendant une période ininterrompue de 5 ans sous peine de déchéance. Le déposant devra payer les annuités.

Sur l’obligation d’exploitation :

La jurisprudence européenne est assez constante sur le fait que le déposant doive apporter la preuve de l’usage de la marque.

La marque doit être apposée sur les produits (emballages) vendus, la marque ne doit pas uniquement être utilisée de manière interne à l’entreprise. La marque doit être identique à celle qui a été déposée et être exploitée dans l’ensemble des territoires désignés au dépôt.

Ainsi, la division d’annulation de l’EUIPO a décidé en date du 11 janvier 2019 (Affaire 14788) de l’annulation de la marque européenne « BIG MAC » de la société Mac Donald’s International Property Company, Ltd, au motif que cette dernière n’apportait pas de preuve d’une exploitation sérieuse de la marque.

Une demande en annulation de la marque avait été formulée par la compagnie Irlandaise Supermac au motif que la marque « BIC MAC » ne faisait l’objet d’aucun « usage sérieux » et que cela constituait un monopole injustifié sur ce terme pour les classes de produit et service visés par la société Mc Donald’s (notamment la classe de service 42).

Pour faire droit à la demande de la société Supermac, l’office relève que la société Mc Donald’s n’avait apporté aucun élément de preuve  « ou d’informations concluantes sur le fait que les produits fabriqués avec le signe « BIG MAC » sont effectivement proposés à la vente ; qu’il n’y a pas de confirmation de transactions commerciales, ni en ligne, ni dans les magasins ; que  même si les produits ont été mis en vente, il n’y avait aucune information sur la durée précise durant laquelle les produits étaient proposés sur la page web, ni aucune information sur des ventes réelles ou des consommateurs potentiels et pertinents engagés, soit par une offre ou via une vente ».

  1. Le droit des marques : contenu du droit

Le titulaire aura un monopole d’exploitation des produits ou services sur lesquels la marque sera apposée et dans tous les pays qui auront été désignés. Le titulaire pourra ainsi apposer, utiliser ou supprimer, offrir, vendre et importer des produits et/ou services revêtus de la marque.

Il sera interdit pour les tiers d’utiliser une marque identique pour des produits ou services similaires ou une marque similaire pour des produits ou services identiques qui causerait un risque de confusion dans l’esprit d’un consommateur. Le titulaire devra dans ce cas prouver le risque de confusion.

En revanche, l’utilisation d’une marque identique pour des produits ou services identiques suffira pour qualifier cet acte de contrefaçon, sans avoir à le prouver.

Il faut réunir les 4 conditions suivantes pour pouvoir qualifier une utilisation sans autorisation de contrefaçon :

  • l’utilisation se fait dans la vie des affaires ;
  • l’utilisation est réalisée sans l’accord du titulaire de la marque ;
  • l’utilisation concerne les produits et services identiques ou similaires ;
  • l’utilisation est susceptible de porter atteinte à la fonction de la marque

 

Cour d’appel de Paris – le 30 avril 2003 (RG n° 2001/14371 et 2001/17502)

L’arrêt énonce que “ même s’il est fait, pour partie, référence aux marques verbales et à la reproduction des marques semi-figuratives appartenant à la société  compagnie  Gervais  Danone,  les  signes  “jeboycottedanone.net”  et  jeboycottedanone.com”  ne  visent  manifestement  pas  à  promouvoir  la commercialisation  des  produits  ou  des  services  concurrents  de  ceux  des  sociétés  intimées,  mais  relève  au  contraire  d’un  usage  purement  polémique étranger à la vie des affaires”.

 

 

Par Koumba KONÉ

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