Google dans sa nouvelle activité « Google books » (Google livres) numérise et publie des ouvrages qui ne sont pas libres de droits n’étant pas tombés dans le domaine public et sans l’obtention d’aucune autorisation. Un tel acte en droit français est qualifié de contrefaçon de droit d’auteur mais aux États-Unis l’exception de « fair use » permet la publication d’œuvre dès lors qu’elle est faite de manière loyale.

« Les pratiques légales et commerciales de l’industrie américaine du livre sont partagées[1] » dans les pays anglophones et semble être complètement différentes de l’approche en France. Ainsi, ce qui pourrait être autorisé aux États-Unis, au Canada ou encore en Australie ou aux Royaume-Uni en matière de courte citation, ne l’ai pas forcément en France en tout cas, de façon différente.

Rappel des faits

Vendredi 20 novembre 2009, Google et les associations d’éditeurs et auteurs américains ont remis un accord amiable au juge fédéral de New York. Ce nouvel accord, conclu en Octobre 2008, fixe les conditions d’exploitation de l’activité de Google books. Désormais, seuls les ouvrages anglo-saxons inscrits au bureau américain de la protection de la loi intellectuelle ou publiés au Royaume-Uni, en Australie et au Canada seront numérisés et publiés.

Google verse également en guise de dommages-intérêts la somme de 125 millions de dollars aux ayants droit.

Le versement d’une telle somme en guise de « dédommagement » démontre bien qu’un préjudice a bien été subi pour les ayants droit Américains qui ont vu leurs ouvrages publiés sans aucune autorisation et constitue à mon sens un certain aveu de la part de Google et un repli face à ses ambitions commerciales en France.

Le 18 décembre prochain le Tribunal de Grande Instance de Paris prononcera son délibéré dans le cadre de la plainte déposée par les éditions du Seuil (La Martinière) contre Google pour contrefaçon.

Google a conclu des accords de numérisation avec des bibliothèques Américaines, ces dernières ayant à disposition certains ouvrages français.

Depuis 2006, Google procède à la numérisation d’ouvrages ou d’extraits d’ouvrages français en vue de les mettre en ligne dans le cade de Google Books sans avoir au préalable, comme il se doit, eu l’autorisation des auteurs et/ou éditeurs titulaires des droits.

Pour sa défense Google fait valoir le principe du « fair use » (usage loyal) principe américain qui limite les droits exclusifs de l’auteur. Son avocat prétend que Google ne publie que des extraits et non l’intégralité des œuvres et que donc aucun droit n’a à être versé, cela relevant du droit de citation et que seule la loi américaine est applicable puisque la numérisation des ouvrages se faisant aux Etats-Unis.

Principe de « fair use »

Le principe américain du « fair use » présente des différences de l’exception de courte citation française.

Le « fair use » est un moyen de défense dans le cadre d’une poursuite en contrefaçon de droits d’auteur. Une fois que l’auteur de l’œuvre a démontré qu’il y a eu violation de son droit par une utilisation substantielle de son œuvre, il revient au défendeur d’exercer sa défense et de démontrer que l’usage de l’œuvre était équitable.

Ce principe américain est plus étendu et plus souple notamment par l’énumération d’une liste de facteurs à prendre en considération et qui semble faciliter l’application de cette exception.

L’article 107 de la loi américaine sur le droit d’auteur prévoit l’usage loyal d’une œuvre protégée, y compris des usages tels que la reproduction par copie, l’enregistrement audiovisuel, à des fins telles que la critique, le commentaire, l’information journalistique, l’enseignement (y compris des copies multiples à destination d’une classe), les études universitaires et la recherche. Ces usages ne constituent pas une violation des droits d’auteur.

La loi permet la reproduction d’œuvres sans l’autorisation du titulaire des droits lorsque quatre conditions sont remplies :

1 – Le but et le caractère de l’usage, incluant la distinction entre une utilisation de nature commerciale ou pour des fins d’enseignement à but non lucratif;

2 – La nature de l’œuvre protégée ;

3 – La quantité et l’importance de la partie utilisée en rapport à l’ensemble de l’œuvre protégée ;

4 – Les conséquences de cet usage sur le marché économique potentiel de l’œuvre protégée

En fonction de ces quatre critères, le juge appréciera respectivement si l’utilisation a été faite à des fins commerciales, ce qui semble être le cas dans l’affaire qui oppose Google aux éditions du Seuil.

Le juge appréciera ensuite si l’œuvre par sa nature est créative et originale, dans cette hypothèse, l’œuvre est susceptible de faire l’objet d’un usage équitable. Elle ne doit pas être utilisée de manière substantielle et enfin le critère le plus important, celui du profit, selon la Cour Suprême des États-Unis dans la décision Harper[2]. Le juge appréciera si l’œuvre originale est utilisée à des fins de profit et dans ce cas il y aura automatiquement un impact potentiel sur le marché économique de l’auteur, une perte donc un préjudice.

Pour revenir au cas d’espèce, le juge français pourrait être compétent puisque l’affaire vise le marché français. Ensuite il faudra qu’il choisisse à appliquer la loi Française ou la loi Américaine. Nous connaîtrons l’issu de ces raisonnements juridiques le 18 décembre prochain.

Par Koumba KONE, Juriste droit des nouvelles technologies

Article publié le 21 novembre 2009 sur le site european-legaladvice.com

 

[1] Les échos lundi 16 novembre 2009

[2] «FAIR DEALING» CANADIEN ET «FAIR USE» AMÉRICAIN: UNE ANALYSE DE L’EXCEPTION D’UTILISATION ÉQUITABLE EN MATIÈRE DE DROIT D’AUTEUR par Catherine Bergeron

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