Parodie, Imitation de marque & logo : Entre dénigrement, contrefaçon et liberté d’expression
Par deux décisions rendues le 8 avril 2008, la Cour de Cassation met fin à un litige débuté en 2002 entre les associations Greenpeace France & Greenpeace New-Zealand et les sociétés AREVA, Exxon Mobil filiale la société Esso.
La Chambre Commerciale de la Cour de Cassation décide que l’imitation d’une marque faite par une association qui entre dans le cadre de son objet constitue un moyen proportionné à la liberté d’expression.
Dans le même temps, la première Chambre Civile de la Cour de Cassation décide que, ne porte pas atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne morale l’imitation d’une marque dans la mesure où l’imitation ne visait pas la société mais les marques de cette dernière et confirme l’atteinte portée à ses produits et services. La Cour rajoute que dès lors que l’association agissait conformément à son objet, dans un but d’intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, elle n’avait pas abusé de son droit de libre expression.
Depuis plusieurs années l’association Greenpeace mène une campagne de dénonciation de la politique climatique d’ESSO défavorable pour l’environnement. L’association avait repris sur le site « Stop Esso » le logo en remplaçant les deux S de Esso par deux sigles du dollar. La société ESSO poursuit l’association écologiste en contrefaçon de marque et dénigrement pour le détournement de son logo sur le site.
En première instance, le juge condamne l’association Greenpeace à retirer le logo ESSO détourné de son site Internet.
La Cour d’appel rejette la demande de la société ESSO pour la contrefaçon et dénigrement de marque.
Quant au groupe Areva, il attaque également l’association écologiste pour contrefaçon pour avoir reproduit et imité son logo dont l’ombre projeté représentait une tête de mort, sigle habituel du combat antinucléaire.
En première instance, le juge déboute la société Areva de sa demande.
La Cour d’appel quant à elle lui donne gain de cause et condamne l’association pour dénigrement.
Par deux arrêts distincts rendus le 8 avril 2008, la Cour de Cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 novembre 2005 et retient que la contrefaçon n’est pas établie en ce qui concerne le pourvoi de la société ESSO.
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la Cour d’appel de paris du 17 novembre 2006 et décide que les associations n’avaient pas abusé de leurs droits de libre expression mais confirme l’atteinte aux activités et services de la société.
Ce n’est pas la première décision qui confronte le droit de la propriété intellectuelle et la liberté d’expression.
L’affaire Gervais Danone est très proche du cas d’espèce. Dans cette affaire, le logo de la société Gervais Danone avait fait l’objet d’une parodie graphique.
La Cour d’appel s’était alors opposée à l’utilisation du droit des marques pour limiter la liberté d’expression.
Dès lors qu’il n’y a aucune confusion entre les produits et services des marques, la reproduction ou l’imitation du logo dans le cadre d’une parodie ne constitue pas une contrefaçon mais une forme d’expression qui entre dans le cadre du droit à la liberté d’expression.
Et il n’y a pas abus au droit de la liberté d’expression pour une association qui n’excède pas son objet et qui agit dans un but d’intérêt général et de santé publique.
Par Koumba KONE, Juriste droit des nouvelles technologies
Cour de cassation, première chambre civile, 8 avril 2008 – N° du pourvoi 07-11251
Cour de cassation, chambre commerciale, 8 avril 2008 – N° du pourvoi 06-10961
Publié sur le site european-legaladvice.com, le 30 avril 2008
Laisser un commentaire